Alors que la réalité d’actes de concurrence déloyale est déjà difficile à démontrer, le principe de loyauté dans l’administration de la preuve constitue un obstacle supplémentaire.
Les décisions de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 10 novembre 2021 (n°20-14.669 et 20-14.670) en sont une parfaite illustration.
L’affaire opposait un syndicat professionnel d’opticiens, qui, pour rétablir l’image de la profession suite à la révélation de pratiques frauduleuse tendant à augmenter artificiellement le prix des verres et diminuer celui des montures pour assurer une meilleure prise en charge, a fait intervenir des « clients mystère » chez plusieurs opticiens.
Sur la base de témoignages de ces « clients mystère », le syndicat a agi sur le fondement de la concurrence déloyale pour obtenir la cessation de la pratique et des dommages et intérêts.
Les actions ayant été rejetée au motif de la déloyauté du moyen de preuve utilisé, le syndicat des opticiens a saisi la Cour de cassation.
Sans trop de surprise, la Cour de cassation a confirmé que le procédé était déloyal, dès lors qu’il existait des circonstances permettant de douter de la neutralité desdits « clients mystères ».
Une telle décision peut toutefois paraître sévère, dès lors que l’on voit mal par quel autre moyen le syndicat aurait pu apporter la démonstration des faits reprochés aux opticiens fraudeurs.
Une procédure pénale aurait pu être imaginée, puisqu’une preuve même obtenue déloyalement y reste recevable.
Les décisions susmentionnées de la Cour de cassation laissent également entrevoir des circonstances dans lesquelles le témoignage d’un « client mystère » pourrait être considéré comme un moyen de preuve loyal, et donc fonder une action en responsabilité devant les juridictions civiles et commerciales.
Ainsi, la Cour précise que le procédé était déloyal en l’espèce dans la mesure où le doute sur la neutralité des « clients mystère » résultait non seulement de leur rémunération (certes indirecte) par le demandeur, mais également par un stratagème de mise en scène des « clients mystère », qui n’avaient pas besoin de lunettes, disposaient d’une prescription médicale de complaisance et d’un scenario à suivre pour inciter l’opticien à la faute.
Il peut donc être imaginé que si le « client mystère » a un véritable besoin du produit commercialisé par l’entreprise en situation de concurrence déloyale et qu’il effectue ses achats sans mise en scène spécifique et sans rémunération pour ce faire, son attestation sera recevable.
La complexité de la preuve d’actes de concurrence déloyale nécessite donc la plupart du temps la mise en place, en amont de toute procédure, d’une stratégie probatoire efficace, pour maximiser les chances de succès de l’action. Maître Stéphanie BAUDRY et Maître Christopher SONA peuvent vous assister dans la mise en place d’une telle stratégie.
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Stéphanie Baudry
Avocat Associé
Stéphanie Baudry exerce son activité au sein des départements du Droit commercial, Procédures Collectives, Contentieux des Affaires, Droit des obligations […]
Christopher Sona
Avocat Associé
Christopher Sona exerce son activité au sein des départements Droit commercial, Procédures collectives, Propriété intellectuelle et Droit des obligations. Titulaire […]