Cour de cassation – Chambre commerciale — 2 juin 2021 – n° 19-25.556
La Cour de cassation, saisie d’un recours contre une décision prononçant l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l’encontre d’un entrepreneur individuel, a estimé que cette décision était insusceptible de recours. Pour la Haute juridiction, cette décision est une mesure d’administration judiciaire et ne peut, dès lors, faire l’objet d’aucun recours. Une décision cohérente mais critiquable.
Créée en 2005 et récemment modifiée par le décret n° 2019-1208 du 21 novembre 2019, la procédure de liquidation judiciaire simplifiée a pour vocation d’être à la fois plus courte et moins couteuse que la liquidation judiciaire classique.
Cette procédure collective s’adresse aux entreprises qui disposent de très peu d’actifs, plus particulièrement lorsqu’elles ne possèdent aucun bien immobilier. C’est précisément sur ce point que devait se prononcer la Cour de cassation en l’espèce.
Dans les faits, un entrepreneur individuel avait été assigné en redressement, puis en liquidation judiciaire par l’un de ses créanciers. Le débiteur interjette appel du jugement rendue en première instance et la Cour d’appel, saisie du dossier, annule le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire. De surcroît, elle ouvre alors une procédure de liquidation judiciaire simplifiée. L’entrepreneur individuel se pourvoi en cassation contre cette décision, au motif que la procédure de liquidation judiciaire simplifiée ne pouvait être prononcée à son égard, alors qu’il était propriétaire d’un bien immobilier.
La Chambre commerciale rejette cette argumentation, estimant que le jugement du tribunal qui ouvre ou prononce lui-même la liquidation judiciaire simplifiée peut être modifié à tout moment, dans les conditions prévues à l’article L.644-6 du Code de commerce. Dès lors, aux termes de l’article R.644-1, alinéa 2 du code de commerce, ce jugement constitue une mesure d’administration judiciaire, non susceptible de recours.
De prime abord, il semble que décision de la Cour d’appel d’ouvrir une procédure de liquidation judiciaire simplifiée malgré la présence d’un bien immobilier dans le patrimoine du débiteur puisse s’expliquer par l’insaisissabilité du bien en question.
En effet, depuis la loi Macron du 6 août 2015, la résidence principale de l’entrepreneur individuel est protégée et est exclue du gage commun de la procédure. Ainsi en l’espèce, la résidence du débiteur n’étant pas un actif disponible, la Cour d’appel en a déduit l’absence de bien immobilier et la nécessité d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire simplifiée.
Il reste que cette insaisissabilité doit être appréciée avec précaution, car elle n’est que relative. L’entrepreneur individuel peut en effet y avoir renoncé, et elle n’est opposable qu’aux créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnel du débiteur, et à compter de la publication de la loi Macron de 2015.
Ainsi, et au regard de ces éléments, on comprend aisément que l’absence de recours contre une telle décision pourrait être fortement préjudiciable au débiteur, et se révéler contraire à l’article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme sur le droit à l’accès au juge.
Si en l’espèce le débiteur était dans une situation telle que l’immeuble dont il est propriétaire devait être intégré dans le gage commun de la procédure collective, alors le juge aurait commis un excès de pouvoir. Or, le fait de considérer la procédure de liquidation judiciaire simplifiée comme une mesure d’administration judiciaire prive le justiciable de la possibilité de faire valoir cet argument.
Il serait donc intéressant de voir si à l’avenir la Haute juridiction pourrait faire évoluer sa jurisprudence en ce sens.
N’hésitez pas à contacter Maître Stéphanie BAUDRY pour toute précision.
Partager sur
Stéphanie Baudry
Avocat Associé
Stéphanie Baudry exerce son activité au sein des départements du Droit commercial, Procédures Collectives, Contentieux des Affaires, Droit des obligations […]